Tu es pour moi l’âme et le monde

Tu es pour moi l’âme et le monde. Que ferais-je de l’âme et du monde ?

Tu es pour moi un trésor répandu. Que ferais-je du gain et de la perte ?

Un temps je suis l’ami du vin, un temps l’ami des viandes grillées.

Puisqu’en ce cycle je suis en ruine, que ferais-je du cycle du temps ?

Par toute gent je suis effrayé, de tous je me suis libéré.

Ni ne me cache, ni ne me montre : que ferais-je de l’être et du lieu ?

De m’unir à toi je suis ivre, je n’ai en tête aucune créature.

Puisque pour toi je suis la proie et le gibier, que ferais-je de la flèche et de l’arc ?

Puisque je me trouve au profond du ruisseau, puisque je coule, pourquoi chercherais-je de l’eau ?

Que pouvoir dire, que dirais-je de ce ruisseau qui coule ?

Puisque j’ai délaissé l’existence, pourquoi porter la charge de la montagne ?

Puisque pour moi le loup est devenu berger, pourquoi supporter la caresse du berger ?

Quel bien est-ce d’aimer ! Quelle ivresse ! Car la coupe est au creux de la main !

Heureux l’endroit où tu te tiens, bonheur cela pour les yeux de l’âme.

Par toi chaque molécule est un monde, par toi chaque goutte est comme une âme

Car celui qui de toi a trouvé signe, que ferait-il du nom et du signe ?

Le pays de la perle parfaite est au fond de la mer des réalités effectives.

Lorsqu’il faut plonger tête la première, que ferais-je des pieds et de leur course ?

Par l’arme de ton unité, tu nous as coupé le chemin vers toi,

Tout mon linge tu as pris. Que donnerais-je à toi qui perçois le tribut ?

Par la beauté, semblable à la lune éclatante, par la courbe de la boucle enroulée

Mon cœur est devenu léger. Âme ! Donne cette lourde coupe !

Ne vois pas le chagrin et le malheur, mais vois l’amour et l’amitié.

Ne vois pas la violence et l’injustice, ne vois que ceux qui voient.

Donne au chagrin le nom de douceur, fais joie le chagrin et la douleur.

Demande aussi à ce bien la joie, la sûreté, la paix.

Demande la sûreté et la paix. Choisis les ermites

Écoute ceux qui ouvrent la voie et n’ouvre pas la voie aux paroles.

Djalal Al-Dîn Rûmi

(1207 – 1273)

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