– Laissez moi tranquille. Je suis en train de me suicider.
-Oui, oui… j’avais remarqué… je vous proposais justement d’attendre vingt-quatre heures…
– Non.
– Qu’est-ce que vingt-quatre heures, quand on a déjà raté sa vie ?
Le monde d’aujourd’hui manque de plus en plus d’originalité, mais heureusement qu’Eric Emmanuel Schmitt existe ! Lorsque j’étais une oeuvre d’art à mon sens est une oeuvre d’art.
Cette critique peut prendre un tournent philosophique, et c’est justement tout le but de ce roman de moins de 300 pages, qui nous fait remémorer chaque pensée négative eue à l’égard de nous-même.
Tazio est au bout, il a touché le fond. Il se sent inférieur comparé à ses frères, inexistant aux yeux de la société et du monde entier. Il veut en finir. Mais, voyez-vous, c’est lorsque nous nous y attendons le moins que les choses les plus improbables nous arrivent. Alors qu’il s’apprête à mettre fin à ses jours, au bord d’une falaise qui ne laisse aucun espoir de deuxième chance, c’est un homme mystérieux qui vient interrompre ce qu’il voulait être ses derniers instants pour la lui donner, sa deuxième chance.
A première vue, Zeus est le héros qui va sortir Tazio de sa misère, qui va enfin lui offrir cette reconnaissance tant attendue et rêvée; il lui propose de devenir une oeuvre d’art, exposée devant des milliers de personnes qui viendraient spécialement en admirer la beauté. Tazio accepte et voit sa vie changer, mais aussi son corps, en devenant très différent de ce qu’il aurait pu imaginer devenir un jour.
Une ultime rencontre que Tazio fait, avec Fiona, vient conclure ce court roman avec de très jolies leçons de vie, plus ou moins prévisibles, certes, mais aussi extrêmement réalistes, tout en ajoutant à l’histoire une touche fine et subtile de romantisme, sans trop en faire, juste ce qu’il faut.
Je pense sincèrement que Schmitt est l’une des révélations de ce siècle. Ses écrits sont des dénonciations, en l’occurrence celui-ci, publié en 2004, qui décrit de façon détaillée les stéréotypes de la jeunesse d’aujourd’hui, reliés à se besoin de reconnaissance pour être enfin ‘’bien’’ dans sa peau, de cette forte envie d’être une personne vue, entendue et admirée par autrui pour enfin l’être par soi-même. Aujourd’hui, le taux de suicide ne cesse de grimper, parce que des personnes comme Tazio, tombant dans ce piège qui d’après moi est LE piège du moment, relatif au complexe d’infériorité et du besoin de reconnaissance ne réussissent pas à mettre la main sur le contentement et la sérénité intérieurs.
Et si le bien-être se trouvait juste à côté?
Abla